De plus en plus employé dans les familles, les établissements et même les plateaux télés, le mot drogue est de nos jours très présent dans la société camerounaise. Les récents évènements depuis cinq à trois ans, justifient l’intérêt porté à cette nébuleuse. La drogue puisqu’il s’agit d’elle, est une molécule qui a un effet sur le cerveau modifiant les perceptions et le comportement de l’individu. Elle modifie la manière de percevoir les choses, de penser, elle donne à la réalité un autre visage qui n’est pas toujours dans l’ordre normal des choses. Elles sont catégorisées en deux groupes : les drogues dures et celles douces. Les premières induisent une dépendance physique et psychologique tandis que les secondes ont moins de facteurs conduisant à la dépendance mais, altèrent la réalité. Ces drogues sont donc soit euphorisantes soit hallucinogènes et même, d’autres endorment ou stimulent le cerveau.
Au Cameroun,
le taux de consommation de ces substances va crescendo ceci en raison de
plusieurs facteurs à l’instar de l’avènement des NTIC et réseaux sociaux, qui
exportent le « american way of life » ou encore le modèle de vie
occidental qui magnifie et banalise en quelque sorte la consommation des
drogues. La plupart des jeunes camerounais s’identifie donc à cette façon de
vivre et s’adonnent à la consommation des drogues pour le « fun »
comme ils disent d’ailleurs. Cependant ce n’est pas l’unique raison, la
multiplication des drogues, la montée en puissance du trafic de ces substances
illicites accroit l’accessibilité à ces dernières et par conséquent une
meilleure acquisition. La jeunesse camerounaise depuis environ deux à cinq ans
est devenue le champ d’application de cette nébuleuse. Dans les établissements
scolaires, les boites de nuits, les marchés, les écoles et de façon général les
lieux de rencontres des jeunes, la drogue n’est jamais loin. C’est même
l’élément majeur qui conditionne parfois ces rencontres. La question ou les
questions qu’il faudrait donc se poser c’est de savoir, comment ces jeunes se
procurent ces drogues et pour quelles raisons ils les consomment en dépit des
dangers que ces dernières représentent ?
En effet, au camerounais, selon le comité
national de lutte contre la drogue et le Ministère de la santé, 21% de la
population camerounaise a déjà expérimenté une drogue dure, 10% sont des
usagers réguliers et 60 % des jeunes âgés entre 20 et 25 ans ont déjà consommé
une drogue. D’après un rapport du Ministère de la Santé réalisé en 2018, 12000
jeunes scolarisés âgés de 13 à 15 ans consomment au Cameroun du cannabis et du
Tramadol ; les jeunes sont donc de fervents adeptes à cette
« secte » si on peut l’appeler ainsi. A la question de savoir comment
ils s’en procurent, les réponses sont multiples. L’Etat à travers le comité
national de lutte contre la drogue, ne pouvant effectuer seul cette tâche, est
aider dans sa mission régalienne par diverses associations à l’instar de
NEW-LIFE qui est une jeune organisation qui lutte contre la consommation des
drogues particulièrement en milieu jeune au Cameroun et à Yaoundé en
particulier.
D’après les
enquêtes effectuées et les recherches menées par cette association, les jeunes
se procurent la drogue dans des endroits communément appelés « ter ».
Ce sont des coins de chaque quartier généralement éloignés du public ou des
endroits moins ou pas souvent fréquentés. Dans ces « ter » il y a
donc un chef « ter » et ses subalternes qui sont chargés de
distribuer la drogue dans tout le quartier et ce avec des noms de code que les
habitués maitrisent bien: fofo,
djap, zaparo de guerre, Ntah, banga, bébé d’or etc… Dans les
quartiers, la commercialisation et l’usage sont plus faciles car ils le font
dans ces « ter » qu’ils appellent Colombie
ou encore Jamaïque. Cependant dans les établissements scolaires, c’est tout
un autre univers.
Ce sont
généralement les vendeurs ambulants de médicaments qui sont les fournisseurs
attitrés dans les établissements scolaires. Ils se cachent derrière le commerce
de médicaments pour faire passer leur drogue. Notons que le tramadol qui est un dérivé de la morphine, devient une drogue lorsqu’elle
est consommée en forte quantité ou en association avec d’autres substances. De
ce fait, ces vendeurs peuvent présenter le médicament comme alibi. Les élèves
qui sont leurs clients, reconnaissent ces derniers par le langage, le
vestimentaire, ils se passent des codes qui facilitent leurs échanges tels
que : « allons prier »,
« allons prendre la fumée de bob Marley »,
ou encore « je veux sentir mon corps ».
Toutefois, ces vendeurs ambulants ne sont pas les seuls « commerçants de drogue » dans les
lycées et collèges. Selon NEW-LIFE, il existe ce que les collégiens appellent
« des passeurs ». Ce sont
en quelques sortes des agents des « ter »
du quartier qui sont inscrits dans les établissements scolaires mais pas pour les
mêmes raisons que les autres élèves. Ces « passeurs » tel que leur nom l’indique sont là afin de
distribuer leurs marchandises et accroitre leur clientèle. L’association
camerounaise « Empower » qui lutte également contre ce fléau, a
détecté dans un établissement de la place que les jeunes filles âgées de 15
étaient les meilleures « passeuses ».
Elles diluent les comprimés de tramadol
dans des bouteilles d’eau et entrent aisément avec ces bouteilles dans
l’enceinte de l’établissement.
Certains
élèves qui se sont confiés durant les séances d’écoute organisées par ces
associations, ont révélés qu’ils avaient consommés de la drogue pour la
première fois en s’en procurant dans les cachettes de leurs parents qui en sont
de fervents consommateurs. C’est dire que, la rue ou l’école ne sont pas les
seuls moyens pour s’en procurer. Ce qui rend également facile l’accès à ces drogues,
c’est leurs prix. Au marché noir, la pilule de tramadol s’achète entre 25 et 75F pour 50 mg, 100F pour 100 mg et
150F pour 120 mg. Les capsules injectables qui auparavant coutaient 500F,
valent désormais 1000F CFA en raison de l’augmentation de la demande. Au
Cameroun, il y a des vendeurs ambulants de nationalités étrangères qui
pullulent les rues des grandes cités. Il y en a qui distribuent ce qu’on
appelle habituellement le « soukoudaï »
un mélange d’eau, de sucre et d’ingrédients jusqu’ici inconnu du public mais
qui en raffole. Beaucoup parmi eux sont également de grands fournisseurs de
drogues.
Face à ce
fléau qui prend une ampleur démesurée, la surveillance dans les établissements
est de plus en plus accrue. Les élèves sont fouillés minutieusement à l’entrée
afin de ne pas pénétrer dans l’enceinte de l’école avec de la drogue ou tout
objet dangereux. Certains établissements font appel à des sociétés de
gardiennage avec un matériel adéquat pour être mieux outillés. Cependant,
toutes ces mesures ne sont pas toujours suffisantes, c’est pourquoi il est demandé
aux enseignants d’être vigilants, d’analyser les comportements des élèves afin
de pouvoir détecter ceux qui sont suspects. Quelques établissements sont
également en partenariats avec des organisations de la société civile pour
assurer la sensibilisation sur les dangers de la drogue, l’écoute et la prise
en charge de ceux qui en consomment déjà et qui ne sont pas à rejeter. Des
sanctions telles que les mises à pieds, le renvoi, les travaux manuels,
freinent aussi ces jeunes à se lancer dans la consommation de la drogue même si
cela ne suffit pas toujours.
En
dépit de toutes ces mesures tant privées que gouvernementales, il ne se passe
pas un mois sans qu’on ne soit informé via les réseaux sociaux ou la télévision,
de la mort d’un jeune des suites d’overdose ou à cause d’une bagarre autour de
l’alcool qui a mal tourné, ou encore d’un jeune, qui sous l’influence d’une
drogue, a poignardé ses semblables ou même a été auteur d’un viol. Quand ces
jeunes sont interrogés sur la consommation de ces drogues, ils évoquent
plusieurs raisons : la recherche du plaisir, le suivisme pour ne pas être rejeté
par les autres, la quête du courage et des sensations fortes. Et pourtant en
lieu et place de ce courage, de cette compagnie, de cette vigueur qu’ils recherchent,
ces drogues les exposent plutôt aux viols, MST/IST, grossesses précoces,
comportements délinquants et violents, exclusions scolaires, etc. Il est donc
évident que la drogue ne conduira pas nos jeunes vers le paradis tant cherché
mais plutôt vers l’enfer.
Aujourd’hui,
les fautes sont rejetées sur l’Etat qui est considéré comme le seul responsable
de la dérive de la jeunesse car le suivi éducatif et surtout scolaire ne suit
pas. Mais peut-on jeter l’opprobre uniquement sur l’Etat ? Non à notre humble
avis, toutes les composantes de la société doivent être impliquées, les parents
encore plus, les enseignants ne serviront que de relais au travail déjà entamé
par les parents car la famille doit être le socle de l’éducation. Mais encore,
l’environnement social, politique et économique étant très important dans
l’éducation d’un Homme, les autres composantes de la société doivent également
se conformer à certaines règles car elles interviennent aussi dans la formation
d’une jeunesse responsable. Les politiques éducatives doivent donc contribuer à
façonner un citoyen nanti d’un esprit patriotique, progressiste et novateur en
mettant à la disposition de ce dernier le minimum pour une vie décente.
AYIKA AURORE PAMELA
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